De nombreux maires de communes situées en zone d’habitat tendu souhaitent encadrer le développement de la location saisonnière sur leur territoire. Car celle-ci aurait prétendument pour effet de détourner une partie du parc locatif de son usage premier d’habitation. Plusieurs amendements ont donc été adoptés, dans une proposition de loi en vue de remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue. Dans cet article, nous listons pour vous l’ensemble des modifications susceptibles de s’appliquer. Quelles seraient ces nouvelles règles en location saisonnière ? Nous actualiserons cet article au fil des avancées réglementaires en la matière.
⚠️ Le 21 mai 2024, la loi Le Meur visant en paticulier la location de courte durée a été adoptée au Sénat. Voir notre récap des changements de la loi « anti-airbnb ».
Récap : l’essentiel des décisions impactant les loueurs de meublés de tourisme
Le détail des textes étant assez fastidieux à suivre, voici en synthèse ce qu’il faut retenir des débats de la commission des affaires économiques du 28 novembre 2023. Pour plus de détails, retrouvez chaque amendement analysé dans la suite de cet article.
1. Abattement du micro-BIC abaissé à 30 % pour les locations saisonnières, avec :
- 15 000 € de plafond de CA pour les meublés non-classés,
- 30 000 € de plafond de CA pour les meublés classés,
- avec un abattement augmenté 41 % supplémentaires en zone rurale ou de sport d’hiver classée en cas de CA < 50 000 €.
2. Réintégration des amortissements pour les locations saisonnières pour le calcul de la plus-value à la revente,
3. Obligation d’information du Syndic avant mise en location touristique d’un bien situé en copropriété.
4. Fin de la confusion entre « usage » du local (code de la construction et de l’habitation, CCH) et de sa « destination » (code de l’urbanisme) dans les contentieux autorisant le changement d’usage au profit d’une activité touristique (commerciale).
5. L’autorisation au changement d’usage accordée uniquement si elle est conforme au bail et au règlement de copropriété.
6. Le régime d’autorisation temporaire des meublés de tourisme en zone tendue étendu au SCI et personnes morales.
7. Construction nouvelle : possibilité d’instaurer des secteurs à usage exclusif de résidence principale (en France et Corse).
L’ensemble de ces dispositions sont encore en cours de discussion. Ces publications sont à chaque fois l’occasion de nombreuses précisions. Abonnez-vous à notre newsletter pour ne rien rater des informations à venir !
Le détail des amendements impactant la location meublée touristique
Amendement n°CE201 : abaissement du seuil de CA et de l’abattement du régime micro-Bic
L’objectif de cet amendement est d’inciter les propriétaires à envisager des durées de location plus longues tout en priorisant le classement tourisme, ceci afin d’encourager la montée en gamme du parc de logement destiné à la clientèle saisonnière.
Les changements adoptés pour les meublés de tourisme classés :
- l’abattement fiscal en « micro-BIC » est abaissé à 30 % dans le cadre d’un plafond de revenus de 30 000 €,
- pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale (très peu dense selon la grille communale de densité de l’Insee) ou en station classée de sport d’hiver : l’abattement de 30 % est complété d’un abattement supplémentaire de 41 % sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros.
Pour les meublés de tourisme non classés :
- l’abattement est également baissé de 50 % à 30 %, dans le cadre d’un plafond de chiffre d’affaires limité à 15 000 €. Au-delà de ce plafond, les propriétaires devront se mettre au régime réel.
Source : Amendement n°CE201 📅Adopté le 28/11/23
Amendement n°CE47 (JR Cazeneuve) et n°CE39 (S. Delautrette SOC) : réintégration des amortissements à la revente pour les meublés de tourisme
Vous le savez si vous maîtrisez les avantages du régime réel de la location meublée, en LMNP vous pouvez tout au long de l’exploitation de votre bien déduire des revenus locatifs votre achat immobilier et votre mobilier via l’amortissement comptable (voir si besoin, notre article sur l’amortissement LMNP). Cet avantage vous permet d’obtenir des revenus nets d’impôts ou faiblement fiscalisés.
Toutefois, il semblerait qu’il y ait une volonté d’intégrer les amortissements lors du traitement de la plus-value pour les locations saisonnières. Elle signifierait un surcoût d’imposition à la revente à votre imposition sous réserve d’être toujours soumis à la plus-value des particuliers et de conserver l’abattement pour durée de détention.
Mais compte tenu de l’avantage fiscal associé à la déduction des amortissements pendante toute la période de location, l’avantage est toujours à la location meublée touristique VS location nue.
Pour rappel en location nue, la déduction des amortissements n’est pas permise. Pendant toute la durée de location du bien, les revenus locatifs ne pourront pas être optimisés fiscalement avec autant d’efficacité qu’en meublé.
Exemple de calcul de la PV en LMNP :
Dans le cas d’un bien acheté 100 000 €, revendu 120 000 € avec 10 000 € d’amortissements pratiqués pendant la période de location :
120 000 – 100 000 = 20 000 € de PV imposable
Comparaison avec réintégration des amortissements :
120 000 – 100 000 – 10 000 = 30 000 € de PV imposable
Sources : Amendement n°CE47 et n°CE39 📅Adoptés le 28/11/23
Amendement n°CE68 : en copropriété, l’exploitation touristique après information du Syndic
Cet amendement vient compléter l’obligation de déclaration de l’activité touristique auprès du maire de la commune où se situe le bien (art. L324-1-1 du code du tourisme). Dorénavant, le propriétaire dont le bien ou le lot de biens appartient à une copropriété aurait l’obligation d’avertir également son syndic avant de démarrer son activité de location touristique.
Ce dernier ajoutera :
- Cette information à l’ordre du jour de la plus prochaine assemblée générale,
- A un affichage au sein des parties communes de l’immeuble.
Source : Amendement n°CE68 📅Adopté le 28/11/23
Les précisions apportées à l’autorisation au changement d’usage pour la location touristique
Amendement n°CE34 : renforcement du contrôle du changement d’usage d’un bien en usage commercial propre à la location touristique
Cet amendement signerait la fin de la confusion entre « usage » du local (code de la construction et de l’habitation, CCH) et de sa « destination » (code de l’urbanisme).
Pour rappel, exploiter un bien en location touristique revient à opérer un changement d’usage du bien si celui-ci était destiné à un usage d’habitation. La location meublée étant considérée comme un usage commercial du local.
Or ce changement d’usage d’habitation en usage commercial serait dorénavant interdit dans les communes de plus de 200 000 habitants, les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Les propriétaires pouvaient jusqu’à présent toutefois compter sur la difficulté de démontrer l’usage d’habitation attaché à leur bien. La charge de la preuve incombant aux collectivités, celles-ci devaient pouvoir démontrer que le bien était déjà affecté à l’habitation au 1er janvier 1970 (article L. 631‑7 du CCH).
La loi serait donc modifiée afin de rendre cette démonstration sans équivoque.
Dorénavant : « tout local ayant reçu une affectation à usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage, sauf lorsqu’il y a une décision explicite qui est intervenue après pour en changer l’usage ».
Si cette décision explicite est une autorisation d’urbanisme, celle-ci ne serait considérée comme preuve valable qu’à la condition d’être accompagnée d’une autorisation de changement d’usage.
Source : Amendement n°CE34 📅Adopté le 28/11/23
Amendement n°CE81 : le régime d’autorisation temporaire des meublés de tourisme étendu au SCI et personnes morales
Les communes soumises au changement d’usage (+ 200 000 habitants ou appartenant aux départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, cf. art. L631-7 du CCH) pourraient désormais appliquer les dispositions leur permettant de réguler le développement de projets immobiliers à vocation touristique aux entreprises et personnes morales (dont les SCI). Celles-ci étaient en effet jusqu’à présent limitées aux personnes physiques
Source : Amendement n°CE81 📅Amendement : adopté le 28/11/23
Amendement n°CE177 : possibilité de limiter le nombre de changement d’usage sur les territoires tendus
Les maires des communes soumises au changement d’usage auraient désormais la possibilité de limiter le nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée (L. 631 7-1 A).
Source : Amendement n°CE177 📅Adopté le 28/11/23
Amendement n°CE69 : l’autorisation au changement d’usage accordée uniquement si elle est conforme au bail et au règlement de copropriété
A ce jour, un changement d’usage pouvait être accordé sans avoir vérifié préalablement la possibilité de réaliser cette activité de location saisonnière au sein de la copropriété et/ou sans avoir vérifier les conditions du bail en de sous location (ou en cas de location si le propriétaire l’interdisait).
Ce ne serait dorénavant plus le cas puisque l’autorité administrative en charge de cette décision devrait s’assurer au préalable de la régularité de la demande « dès lors qu’aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s’y oppose » (article L. 631-7-2 à L. 631-7-4 du CCH)
Pour ce faire, une attestation sur l’honneur pourra être fournie par le demandeur (idem que dans le cadre d’un « usage mixte »).
Source : Amendement n°CE69 📅Amendement : adopté le 28/11/23
Impact des discussions pour la construction de logements
Amendement n°CE176 : faculté de créer des zones de résidence principale dans les collectivités à fort taux de résidences secondaires
Dans les zones observant un taux de résidences secondaires supérieur à 20 %, l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme pourrait dorénavant instituer des zones de constructions nouvelles à usage exclusif de résidence principale. Cette décision devrait être justifiée par un impératif d’intérêt général à lutter contre le manque de biens à usage d’habitation.
Le parc de constructions existantes n’est donc pas impacté. Cela ne remet donc pas en question l’usage touristique des locations déjà en place.
Source : Amendement n°CE176 📅Adopté le 28/11/23
Amendement n°CE191 : l’usage exclusif d’habitation renforcé dans les zones à fort taux de résidences secondaires (Corse)
Dans la suite du sous-amendement Acquaviva spécifique à la Corse, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) pourra définir des secteurs à usage exclusif de résidence principale au sein des communes non-couvertes par un PLU avec un taux de résidences secondaires comparé au parc total d’habitation de plus de 20 %.
Source : Amendement n°CE191 📅Adopté le 28/11/23