L’usufruit viager peut en principe donner lieu à un calcul d’amortissement. Pourtant l’Administration a déjà remis en cause une telle pratique qui impacte directement les usufruitiers souhaitant louer leur bien en meublé. Une récente décision du Conseil d’État a donné raison au contribuable. L’occasion de faire le point sur l’amortissement et l’usufruit viager qui présentent tous deux de vrais avantages fiscaux.
L’amortissement de l’usufruit viager est déterminé selon l’espérance de vie du bénéficiaire
Dans le cadre de la location meublée, il est possible de déduire les amortissements relatifs aux locaux, au matériel et au mobilier, des travaux de construction et de reconstruction, d’agrandissement et d’amélioration.
L’amortissement consiste alors à enregistrer en comptabilité une charge qui traduit la perte de valeur du bien, pendant toute la durée de la gestion locative. Cette charge diminue mécaniquement le résultat de l’entreprise et donc votre bénéfice imposable.
Dans le cadre d’un usufruit viager, cet amortissement est autorisé lorsqu’il est possible de déterminer la date à laquelle ses effets bénéfiques sur l’exploitation prendront fin. Et cette date peut être fixée en se basant sur les statistiques d’espérance de vie de l’Insee.
Il est donc possible d’amortir la dépréciation du bien en usufruit viager. Bien qu’il ait été plusieurs fois remis en question par l’Administration fiscale et fait l’objet de plusieurs décisions de jurisprudence, cet amortissement a été à nouveau confirmé par une décision du Conseil d’État le 24 avril dernier*.
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L’usufruit viager, dans quels cas et pourquoi ?
Cette décision du Conseil d’État permet d’aborder le cas particulier de l’usufruit viager. Celui-ci est en fait assez courant et intervient dans de nombreuses successions ou donations.
Par exemple, un parent hérite au décès de son ou sa conjoint(e) de l’usufruit de leur bien immobilier tandis que leurs enfants héritent de la nue-propriété, jusqu’au décès du conjoint survivant.
En jargon juridique :
- Le conjoint survivant garde l’usage du bien, soit « l’usufruit ». Celui-ci comprend le droit d’usage du bien (habitation) et ses « fruits » (loyers en cas de mise en location).
- Les enfants sont bien propriétaires du bien mais n’en obtiendront la jouissance qu’au décès du parent survivant, c’est la « nue-propriété ».
Une pratique courante et protectrice pour le conjoint survivant qui peut garder l’usage de la demeure familiale, même en cas de désaccord avec ses enfants.
On parle alors de démembrement. Cette séparation de l’usufruit et de la nue-propriété peut-être temporaire ou fixée jusqu’au décès de l’usufruitier (démembrement viager).
En matière de succession, le démembrement viager présente un certain nombre d’avantages, notamment en matière de fiscalité.
Démembrement et usufruit viager, quel traitement fiscal ?
L’usufruit viager et l’opération de démembrement qui a eu lieu lors de la donation ou la succession présente un certain nombre d’intérêts, en 1er lieu, la limitation des droits de donation.
Pour le calcul des droits, le notaire estime la valeur de l’usufruit et celle du bien, dégrevé de l’usufruit, selon le barème fiscal en vigueur. Celui-ci tient compte de l’âge de l’usufruitier.
Barème fiscal de l’usufruit et de la nue-propriété | |
Age de l’usufruitier | Valeur de l’usufruit (%) |
Moins de 21 révolus | 90 % |
Moins de 31 révolus | 80 % |
Moins de 41 révolus | 70 % |
Moins de 51 révolus | 60 % |
Moins de 61 révolus | 50 % |
Moins de 71 révolus | 40 % |
Moins de 81 révolus | 30 % |
Moins de 91 révolus | 20 % |
Plus de 91 révolus | 10 % |
A titre d’exemple, pour un bien d’une valeur de 450 000 € transmis en donation par un usufruitier à l’âge de 62 ans, la nue-propriété correspondra à 50 % de la valeur totale du bien, soit 225 000 €. Pour l’enfant bénéficiaire les droits à régler seront donc deux fois moins élevés.
En cas de décès du nu-propriétaire, l’usufruit et la nue-propriété sont automatiquement réunis, sans fiscalité associée.
Usufruit et droit d’usage et d’habitation, deux notions proches à ne pas confondre !
Pour conclure ce bref aperçu de l’usufruit viager, rappelons enfin qu’il correspond à une notion précise, mais assez large. Dans la perspective d’une exploitation du bien en location meublée (avec amortissement de l’usufruit viager), il convient de bien distinguer les deux notions. En transmettant un droit d’usage au lieu d’un usufruit, vous priveriez en effet vos bénéficiaires de la possibilité d’exploiter le bien immobilier pour une mise en location nue ou en meublé.
En effet, le droit d’usage ou d’habitation, fixé par testament, prive le bénéficiaire des « fruits » compris dans l’usufruit. Le bénéficiaire ne peut donc pas mettre en location le bien dont il a hérité pour en percevoir les loyers. Contrairement à un usufruit, ce droit d’usage ne peut pas non plus être vendu, cédé à titre gratuit ou donné en hypothèque.
Au-delà des questions de vocabulaire, un certain nombre de précautions s’impose également aux loueurs en meublé non professionnel en vue d’une future succession. Voir à ce propos les précautions à prendre en prévision du décès de l’investisseur immobilier.
* Décision N° 419912 du 24/047/2019, lue devant les 10ème et 9ème chambres réunies.